J’ai écarté doucement les fils de la chaîne
Ça chante en lilas
Une harpe se réveille à tendre
La source lie de vin en veux-tu en voilà
Répète pour voir que je devine
L’hallali l’alerte je lis là
Sur tes lèvres en sourdine
Les mots à venir
Ça chante en lilas
Ça chante en île, très lent
Ça tisse en lice, ça s’enlace
Symphonie inachevée
Les fils écartelés
— un arbre de naissance —
laissent entrevoir trois fileuses
vieilles encrochées au menton barbu
ça chante lilas à viole d’amour
entendre un Moyen-Age
liures de geôle
de ci de là, la joie
mais le fuseau ailé
sortilège à la chair vive
se trame dans l’outre-ombre
un rythme qui se rit du sommeil
l’heure est à la veille
il sera temps plus tard
ça chante fort et dru
mal à malice
les corps s’invitent
au pas sage
ce ne sont que des fils de laine brute
ce n’est que du souffle et de la langue
ça chante li-la en chinois
soie plaintive en quarts de tons sournois
— un arbre de naissance et ses branches tordues —
ça chante lilas, frolis d’image
drôle de métissage
sur ce métier du voyage
ça chante lilas et les liens de sang
noués autour du cou, oh le souffle
à la ronde de toi, un cercle
marie le feu et l’eau
monter dans ce lilas et se tordre
le nez dans la fleur en chaleur
le couchant dans ce lit-là
s’attelle au tournant
taille-toi, l’air se casse
ça chante sur les fils de la chaîne
nés de ce lit-là
ça chante à l’heure du lilas
Colette Cambier
Wez, mai 1991