J’écoute… et je me surprends à rêvasser.
J’écoute… et je ne saurais répéter ce qu’il vient de dire.
Je croyais que j’écoutais. Je me ressaisis et ce qu’il me dit me fait penser à ce que j’ai vécu aussi, et je me rappelle comment ça s’est passé. Pendant ce temps, je ne l’écoute pas.
J’écoute et, pendant qu’il parle, je prépare déjà ma réponse.
S’il tarde un peu, je m’impatiente, je piaffe mentalement.
Au besoin, je lui coupe la parole.
J’écoute, bien sûr… et j’ai tout de suite la solution à son problème. « Comment n’as-tu pas vu ? Pourquoi ne fais-tu pas ? moi, à ta place… »
Ou alors, j’ai tout compris. Je lui explique comment il fonctionne. Ce n’est pas ça qu’il demande, il voudrait que je l’écoute.
J’écoute. Non, je n’écoute pas. Je le raisonne. J’argumente. Je veux convaincre. « Contrôle-toi. Ressaisis-toi. Au fond, ce n’est pas si grave. Ce n’est pas comme si le ciel t’était tombé sur la tête. »
J’évalue : « c’est bien » , « c’est moins bien. » Au besoin, je ferai la morale. « Un grand garçon comme toi…comment peux-tu ? »
J’écoute… et je le trouve impossible… ou idiot… ou irréaliste. Il n’aurait pas dû. Il aurait pu.
J’écoute et j’ai envie tout de suite de rassurer : « Ne t’en fais pas, ça va aller. »
J’écoute… je crois que j’écoute. Je n’écoute que mon propre bruit.
Pas facile d’écouter, d’écouter vraiment. Pas facile d’être ouvert, disponible, accueillant à la parole de l’autre. Il y a toujours la tentation de faire quelque chose. De remplir l’espace. De meubler. Avec n’importe quoi, mais meubler. Il y a l’envie d’être efficace. D’obtenir des résultats, de ne pas perdre son temps.
Est-ce qu’on fait quelque chose quand on ne fait rien ?
Est-ce qu’on est aidant quand on est là, et qu’on ne fait rien ?
Quand on ne fait rien qu’entendre. Quand on ne fait rien que s’intéresser à l’autre. Quand on ne fait rien que s’ouvrir à ce qui l’occupe, à ce qui le travaille.
Demandez-le lui… et écoutez.
C’est un premier pas.
Colette Cambier 1996
publié dans le magazine « Repères » (Ecole des Parents et des Educateurs).