Cette fois, Jean-Yves est rentré, seul. Il n’osait pas la regarder. Il ne savait comment faire. Il n’y a pas une bonne manière d’annoncer les départs. Il dit « départ ». C’est plus pudique.
« Si tu pars, tu ne reviens plus ».
Il a roulé sous les oliviers, une balle entre les deux yeux, en plein midi, en pleine lumière. L’air crépitait. Les pierres au bord du désert marquaient la frontière. Il n’était même pas visé. On ne tue pas les journalistes. Il y a les Conventions et puis les guerres de cette fin de siècle sont des guerres propres. Il y avait les cris, les pierres, et encore les cris. En face, des tancks. Les visages impassibles des soldats, appuyés sur les canons. Leur fausse nonchalance. L’émeute, l’attroupement. Des enfants, presque tous des enfants, la haine à la bouche. Il s’est trouvé là presque par hasard. Oui, presque par hasard. Il a remplacé un collègue au pied levé. Des enfants. On ne pouvait pas penser à la mort. Ça n’était pas bien sérieux. Il faisait son métier sans plus : il y a toujours la guerre quelque part et c’est cela qui le nourrit. Il n’était même pas très intéressé, plutôt un peu fatigué ce jour-là après une nuit arrosée. Une balle perdue. Pourquoi dit-on une balle perdue ? Il s’est ramassé sur lui-même et il a roulé sous les oliviers. Il n’a pas eu le temps de réaliser.
Le visiteur, nouvelle, Collectif, In Echo, Ed. Scribande, 2000.