Quand je rencontre quelqu’un, une des premières choses auxquelles je suis attentive — parfois instinctivement — est sa respiration. Ou la mienne. Ou la façon dont elles sont accordées/désaccordées. Face à une personne qui parle très vite ou à flot continu, j’ai envie de dire : « Stop ! Respire entre tes phrases. Respire entre tes mots. »
Notre manière de respirer nous apprend quelque chose sur notre manière d’être :
« Je cours tout le temps, je n’ai pas le temps de respirer »
« Quand j’entreprends quelque chose, je m’essouffle rapidement et j’abandonne »
« Je respire le moins possible, je prends très peu de place, si je pouvais passer inaperçu… »
La détente est un des premiers effets de la respiration profonde. Je me lâche, je déstresse. Encore faut-il me le permettre. « Ai-je vraiment le droit de prendre du bon temps ? » Cette petite phrase va chercher loin.
Les exercices de Cohérence cardiaque qu’on peut pratiquer en respirant lentement pendant cinq minutes, trois ou quatre fois par jour sont tout simples. Et le bénéfice immédiat. Mais comment m’arrêter ? Comment casser le rythme trépidant pour me poser ? Cela peut constituer un motif pour consulter, j’ai besoin d’être soutenu et de me poser la question : « Pourquoi ne puis-je pas me faire du bien spontanément ? » ou même « Pourquoi est-ce que je fais tout pour que ça foire ? »
La respiration abdominale — celle du nouveau-né — a pu être oubliée, tordue, inversée au cours d’une éducation trop exigeante ou d’une histoire où je me suis senti trop malmené. Paradoxalement, il s’agit de ré-apprendre à respirer naturellement.
En rebirth, on suggère une respiration amplifiée, profonde et plus rapide que celle qu’on pratique habituellement. C’est une expérience particulière qui permet de voir (re)venir des sensations qui étaient absentes ou mises de côté. Douleur ou plaisir. Encore une raison pour reculer devant le défi : qui aurait envie de sentir inconfort ou mal-être ? Mais qui n’aurait pas envie aussi de se remettre à vivre plus intensément et de s’autoriser le bien-être ?
Si on la pratique suffisamment longtemps, la respiration amplifiée amène un Etat Modifié de Conscience (EMC) comme en hypnose par exemple. Cet EMC, je le provoque en respirant intensément et l’arrête en reprenant ma respiration habituelle. Il n’y a aucune induction extérieure. Je reste libre à tout moment de susciter le processus ou d’y mettre fin.
Cet EMC me met dans un état de réceptivité, de sensibilité plus aiguë, qui permet de contacter des ressentis ou des mémoires auxquelles je n’aurais pas accès dans le traintrain quotidien. Outre les sensations, cela peut concerner des émotions, des idées qui peuvent déboucher sur de la créativité, des souvenirs qui surgissent, récents ou anciens. Parfois très anciens, ceux qui appartiennent au corps qui ne parlait pas encore, ceux qui tournent autour de la naissance ou de la vie pré-natale. Ils se manifestent sous une forme physique ou symbolique, réelle ou virtuelle. L’important est qu’ils prennent sens dans mon histoire et dans mon actualité. De toutes manières, ce qui vient au cours de la séance de respiration est ce dont j’ai besoin en ce moment. L’inconscient fait assez bien les choses.
Un des intérêts de la respiration amplifiée est de sortir de la prison du mental, d’arrêter la rumination ou d’intégrer émotionnellement ce qui vient d’être dit et de s’unifier. Je peux parler, parler, parler… et ne rien voir changer. C’est le moment de respirer, de passer à un autre registre, de laisser la place au corps. Respirer, ne plus me cramponner. Ne même plus chercher une solution. Celle-ci s’imposera si je lâche et vois venir. Etre là, simplement dans l’accueil de ce qui peut se présenter. Pas dans l’attente, pas dans l’anticipation. Je respire et je n’escompte rien, je ne planifie pas ma séance, j’accueille ce qui vient sous l’effet du souffle.
Cet accueil de soi dans le présent, c’est toute la philosophie du rebirth. Je peux transposer cette expérience dans ma vie. C’est le trop d’attente qui me fait éprouver la déception et développer de la rancoeur. C’est le contrôle que je veux exercer sur ma vie, sur ma séance, sur les autres, sur moi… qui me met la pression.
« Oui, mais… je n’aime pas ce que je perçois, je n’aime pas cet aspect de moi ». Par exemple, ma tendance à me considérer le plus souvent comme une victime.
Alors, respire dans cet aspect de toi que tu n’aimes pas, accueille ce qui est là.
Accueillir ne veut pas dire accepter, il y a des morceaux trop gros, ils ne passent pas. Accueillir, c’est me dire : « C’est là, c’est comme ça en ce moment ».
« Oui mais… ce n’est pas comme ça que je vais changer ». Eh bien si. Je ne connais aucun changement qui ne passe d’abord par l’accueil de soi, par la reconnaissance de ce qu’on est profondément. « Je ne serai jamais quelqu’un d’autre. Je ne serai pas le voisin que j’envie pour sa zénitude. Je ne serai pas celle-là qui semble réussir si facilement. Mais je serai moi et je vivrai sans avoir peur ou être rebutée par ce que je suis. Je serai moi après avoir perçu aussi que je suis une belle personne ». C’est ce que la pratique du souffle peut nous apporter.
Colette Cambier
Publié dans le Guide du Mieux-Etre, été 2017