La psychothérapie par le souffle telle que nous la concevons[1] est issue de la pratique du rebirth. Il s’agit, par une respiration intense, rapide et liée, de laisser se révéler et se déployer les tensions du sujet pour mieux les dissoudre. Je dirais que le souffle suscite le symptôme et le résout dans la foulée.

En général, on se crispe sur ses émotions, on retient son souffle face à la difficulté et la douleur nous fige dans le refus. Continuer à respirer face à tout ce qui se présente en termes de ressenti, de pensées, d’images ou de souvenirs – agréables ou désagréables, douloureux ou légers – c’est adopter une attitude de vie : consentir à se laisser faire par ce qui vient, respirer largement et accueillir l’inattendu et l’imprévisible. Il serait donc incohérent de vouloir planifier sa séance.

Cette approche peut induire une expérience énergétique dans l’ici et maintenant, couper court aux ruminations, adoucir le contrôle de la conscience. Elle modifie aussi la respiration habituelle, nous revivifie et nous faire entrevoir d’autres possibles. Comme respirer est un processus naturel, si nous ne nous faisons pas violence, nous vivons ce que nous sentons prêts à vivre et ce que nous avons besoin de vivre. Nous apprenons à nous faire confiance.

La respiration amplifiée peut aussi ramener à la conscience un matériel oublié, refoulé dont l’expression amène une catharsis (un exutoire libérateur) mais aussi la rencontre, vécue dans une forme de transe légère, avec une part de son histoire. C’est ce qui se passe chez la narratrice qui arrive à recontacter des vécus égarés dans les replis de sa mémoire. Cette régression momentanée peut toucher un passé plus ou moins lointain. Il s’agit de le traverser et de l’apprivoiser pour retrouver l’enfant intérieur, son énergie et son dynamisme, voire « renaître » quand on touche à un vécu de naissance – l’expérience première qui a donné son nom au rebirth. La naissance et l’accueil dont l’enfant est l’objet – un condensé d’émotions fortes qu’il absorbe sans aucun filtre – s’impriment en lui pour la vie et influencent ultérieurement sa manière de vivre, ses modes de fonctionnement, ses initiatives et sa façon d’entrer en relation. Revenir sur ses premières expériences de vie – au sens large – pour s’ouvrir à un souffle nouveau, permet de traverser les peurs originelles.

Travailler avec le souffle, c’est aussi s’ouvrir à un large spectre d’états modifiés de conscience où peuvent s’expérimenter – comme dans le rêve -, les ressources de notre imaginaire et de notre créativité.

Si la psychothérapie par le souffle se fonde sur les apports fondamentaux de la psychanalyse — la prise en compte de l’inconscient — et des thérapies psycho-émotionnelles qui explorent les liens du corps avec le psychisme, une des originalités du rebirth est de donner l’accès à un vécu corporel archaïque, renvoyant au temps où nous ne disposions pas encore de la parole ou à des moments traumatisants qui ont pulvérisé parole et représentations. Avec le souffle, nous pouvons nous resituer par rapport aux origines du corps, par rapport à nos origines.

Cette expérience est ensuite verbalisée pour que le sujet puisse prendre conscience des images projetées sur les autres, réaliser que l’ouverture, loin de conduire à l’anéantissement, peut renforcer la sécurité intérieure. Il peut ainsi établir des liens entre passé et présent, entre l’ici et le quotidien de la vie et prendre en compte ce qui se joue dans la relation thérapeutique. Pouvoir intégrer ce vécu, l’unifie et lui donne sens. Il permet de voir et de dire son histoire autrement et de se remettre en mouvement.

On voit bien, dans le récit de renaissance de Marie-Alice, qu’il ne s’agit pas d’une « technique » qui apporterait le changement de l’extérieur mais de l’engagement d’un sujet dans sa totalité. C’est cet investissement et sa ténacité qui lui permettent, soutenue par sa thérapeute, d’aller au bout de l’expérience.

Ce travail n’est possible – on le constate tout au long du récit – que dans l’espace de sécurité fourni par le thérapeute. Son rôle est de soutenir l’élan respiratoire, d’écouter et d’accueillir les perturbations émotionnelles — parfois intenses — tout en gardant une distance bienveillante qui lui permet de rejoindre son client sans être englouti dans son vécu.

La pratique du souffle nous apprend finalement que la vie est rythme, mouvement, transformation et qu’à prendre la vague comme elle vient, elle peut nous apporter confiance et plaisir de vivre.

Colette Cambier
Postface au livre « Le Souffle du Coquelicot »,
M.-A. Claeys. Ed. Dricot, 2013


[1] Association des Praticiens du Souffle asbl, membre de la fédération belge des psychothérapeutes humanistes. www.praticiensdusouffle.be