J’aimerais écrire l’histoire de ma mère, dit Lida. Mais moi, un livre… !
Une main opportune va lui permettre de se lancer sur les traces d’Alexandra Andréevna, cette jeune russe de Bessarabie qui, en 1920, a traversé l’Europe pour faire des études de médecine à Louvain.
Elle avait le sens de l’aventure, elle dont les ancêtres grecs se sont battus pour survivre dans l’Empire ottoman.
Elle participait aux premières avancées féministes sans trop le savoir.
Elle suivait sa bonne étoile et construisait une histoire d’amour tandis que sa famille restée en Europe de l’Est encaissait successivement les secousses de la révolution russe, des purges staliniennes et de la dictature de Ceausescu.
C’était surtout une femme rieuse et aimante, très douée pour créer de la vie autour d’elle.
Mais qui donc écrit dans les cahiers de Lida ?
Entre récit et fiction, ce roman questionne ce qui fait la valeur d’une vie et ce qui fait écrire.
Et maman ? Où elle est, maman ?
La petite fille la regarde droit dans les yeux. Le piano aussi, on l’a recouvert d’un drap noir (…) la petite fille qui a perdu sa maman se tient droite dans le carcan de sa robe brodée, elle se pose bien des questions et qui va répondre maintenant ?
Pourquoi les mamans s’en vont quand on a encore besoin d’elles ? Pourquoi on attrape la maladie rouge ? Pourquoi le médecin tout puissant n’a-t-il pas pu sauver sa maman cette fois-ci ? Est-ce qu’on ne peut sauver les mamans qu’une seule fois ? (…) Et surtout qui va jouer du piano maintenant que sa mère n’est plus là ?
j’écris sur un pays qui n’existe plus, vous pouvez toujours chercher la Bessarabie sur la carte de l’Europe, c’est un pays de légendes et de monastères qui a autant de racines latines que slaves, il a été ottoman, il a été russe, il a été roumain, et aujourd’hui, on l’appelle la République de Moldavie, un chat, même poète et aimant la vigne, n’y retrouverait pas ses jeunes.
Je suis fascinée par l’enchaînement des événements, ma mère (…) vient à Louvain, ça tient à si peu de choses, à son intuition qui lui souffle d’écouter un fonctionnaire plutôt sympa et sa vie prend une autre direction (…) elle vient à Louvain et elle rencontre mon père, à chaque moment de la trajectoire, une rencontre, je prends ou je ne prends pas, un embranchement qui modifie radicalement la trajectoire, je prends ou je ne prends pas, à gauche puis à droite et puis encore à droite, un chemin qui n’a plus rien à voir avec celui qu’elle a emprunté au départ, et de fil en aiguille je suis venue sur terre comme ça, par un concours de circonstances tout à fait particulier. Nous sommes de toutes petites choses un peu pensantes. Est-ce le fait du hasard, empruntons-nous un chemin comme on emprunte un stylo ou est-ce le chemin qui nous choisit ?
A Ostende, Joseph dit que le père de sa fiancée est avocat à Kichinev.
Kichinev ? La Bessarabie fait partie des contes des mille et une nuits, non rien à voir avec l’Arabie, la Russie, les Russes sont des sauvages, ils ont assassiné leur tsar. En Roumanie ? Il faudrait s’entendre, c’est en Russie ou en Roumanie ? On en parle à table, en flamand, en français, en anglais, on dissèque, on discute, on examine, on recommence…
A-t-elle au moins une religion ? Oui, maman, elle est orthodoxe, Jacqueline va chercher un peu d’eau bénite et asperge la tablée, ça n’est pas possible, des gens qui font le signe de croix à l’envers…
Ce n’est pas qu’il soit si souvent à la maison, il a tant à faire avec l’organisation du labo, mettre en place les conditions matérielles et techniques du travail, améliorer la qualité des instruments, j’exige du soin et de la précision dans les manipulations, je ne veux pas de collaborateurs manchots. Oui Joseph travaille beaucoup, il poursuit aussi ses recherches, elles portent sur l’influence de la sécrétion pancréatique, ils ont en discuté hier soir pendant qu’elle recousait le pantalon de Pavlick,
Colette Cambier, 2015
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